La démocratie congolaise à l’épreuve de la parité femme-homme !

Tribune de Danièle Sassou Nguesso, Présidente de la fondation Sounga.

 

 

La démocratie est un mode de gouvernance des sociétés modernes, qui repose sur le choix des peuples et la vitalité des institutions constitutionnelles. Elle affirme la primauté et le règne de la règle de droit, en matière de régulation des rapports sociaux, politiques et économiques.

Le Congo notre pays, a opté pour la démocratie comme mode de promotion des élites et des procédés politiques, destinée à prendre en charge les aspirations des congolaises et des congolais.

L’organisation constitutionnelle du pays, repose sur les trois grands pouvoirs qu’incarnent notamment, le Président de la République et le Gouvernement, le Parlement (l’Assemblée Nationale et le Sénat), ainsi que la Cour constitutionnelle.

A la lumière des crises à répétition et des enjeux contemporains du développement, toutes les nations du monde ont pris conscience de la nécessité de promouvoir une croissance vertueuse et inclusive, réductrice des inégalités et notamment celles qui s’expriment de manière criante entre les femmes et les hommes. De grands textes internationaux ont ainsi consacré un consensus planétaire majeur, en faveur d’une égalité de droits entre les hommes et les femmes. La signature du Protocole de Maputo, la publication de la résolution 1325 du Conseil de Sécurité de l’ONU, et tout récemment la formulation des Objectifs de Développement Durable (ODD), sont des illustrations patentes de cet élan international en faveur d’un équilibre social effectif entre les femmes et les hommes partout dans le monde, y compris au Congo.

Cette quête de l’égalité femme-homme s’est progressivement structurée autour de plusieurs axes de progrès social, dont la question de la parité femme-homme, occupe désormais une place centrale dans les modes de gouvernance des sociétés et dans l’exercice démocratique. Ainsi, les textes et bonnes pratiques internationales, prescrivent une représentativité des femmes à hauteur d’au moins 30% au sein des institutions constitutionnelles. Des nations ont d’ailleurs pris l’option volontariste et courageuse, de s’inscrire totalement dans cette révolution sociale exemplaire, en érigeant la parité femme-homme comme une des contraintes majeures des choix et des politiques publiques. Le cas du Rwanda en Afrique, comptant la plus grande majorité féminine au monde et la décision du Président français Emmanuel Macron portant sur la composition d’un gouvernement paritaire, sont édifiants à plus d’un titre.

Nous constatons cependant dans de nombreuses démocraties du monde, à l’instar de celle du Congo, la persistance d’une sous-représentativité, somme toute pernicieuse, des femmes au sein des institutions constitutionnelles. Celles-ci, pour des raisons qu’il reste à élucider, continuent d’occuper des proportions marginales au sein des principales instances d’animation de la vie des sociétés.

Dans notre pays, malgré l’affirmation claire des principes d’égalité et de parité femme-homme dans la loi fondamentale et dans les textes d’application, l’écart avec la réalité sociale reste saisissant. En effet, nos institutions comptent seulement dans la législature actuelle, 13 femmes pour 137 députés ainsi que 8, pour 72 sénateurs.

A l’évidence, avec 10% de femmes, notre parlement détient l’un des taux les plus bas d’Afrique subsaharienne où la moyenne atteint 23,64% de représentativité féminine parlementaire (cf. Banque Mondiale 2015). Cette situation au Congo pourrait éventuellement découler du fait que les candidatures présentées aux élections législatives, ne respectent toujours pas les 30% de représentation féminine tels que l’exige la loi électorale. Au-delà de l’enjeu de la parité et de l’égalité femme-homme, c’est en réalité toute la démocratie congolaise qui est à l’épreuve !

La démocratie congolaise est à l’épreuve de son rayonnement sur l’échiquier international, devant démontrer sa capacité à s’inscrire dans l’irréversible élan planétaire en faveur de la parité à l’horizon 2030.

La démocratie congolaise est à l’épreuve de sa crédibilité nationale, le respect de la règle de droit constituant le fondement de toute démocratie.

La démocratie congolaise est à l’épreuve d’une justice sociale qui se doit d’être instaurée, les femmes représentent 52% de la population et y sont de manière légitime appelées à y jouer un rôle prépondérant, notamment en matière de gouvernance.

Enfin, la démocratie congolaise est à l’épreuve du développement inclusif, qui requiert une option concrète et définitive pour le pays, en faveur d’une nouvelle forme de croissance, résolument réductrice des inégalités sociales existantes et persistantes entre les congolaises et les congolais.

La Fondation SOUNGA, que j’ai l’honneur de présider, milite en faveur des droits des femmes et a exceptionnellement décidé, à l’approche des élections législatives de juillet 2017, d’interpeller les institutions nationales et l’opinion publique, sur notre responsabilité individuelle et collective face à cet enjeu démocratique. Nous sommes tous appelés par notre histoire commune, au renouveau de la démocratie congolaise, devant reposer dorénavant sur les principes de l’égalité et de la parité femme-homme. Les générations futures pourront ainsi apprécier le courage de tous, grâce à l’expression de chacun sur cette question « cruciale » de société, grâce à nos écrits, nos prises de paroles, nos prises de position, en renonçant à notre passiveté, notre silence coupable et à nos actions malveillantes qui évoluent à « contre-courant » de cet impératif de justice sociale.

L’élite du Congo devrait à juste titre se remémorer la citation de Chateaubriand, utilisée le 4 mai dernier par Laurent FABIUS à l’occasion de l’investiture du nouveau Président français: « Pour être l’Homme de son pays, il faut être l’Homme de son temps ». Le temps invite plus que jamais le Congo à transcender ses barrières culturelles, pour relever les défis imposés par des évolutions sociales légitimes, à l’instar de l’instauration d’une parité femme-homme au sein de nos institutions constitutionnelles.

A quelques semaines des élections législatives, il est bon de rappeler à chacune des parties prenantes (CNEI, les partis politiques, les différents candidats) son devoir de respect de la loi garantissant la présence d’au moins 30% de femmes sur les listes électorales présentées.

La Commission Nationale Electorale Indépendante (CNEI), en tant qu’institution centrale du processus démocratique, devrait pouvoir mettre en place un mécanisme contraignant en vue d’assurer le respect des quotas légaux de femmes sur les listes de candidatures proposées par les partis politiques. Elle pourrait ainsi, explorer la possibilité de censurer toute liste ne respectant pas le quota de femmes requis. La persistance des inégalités femme-homme en matière électorale, suggère en effet des mesures urgentes et vigoureuses!

Au sein des partis politiques, des efforts importants restent à accomplir en vue d’impulser une véritable parité femme-homme, susceptible de se traduire dans la composition des deux chambres de notre Parlement, l’Assemblée Nationale et le Sénat. On déplore malheureusement, que les femmes congolaises évoluant au sein des partis politiques, malgré leur implication massive et des compétences avérées, sont toujours confrontées à des clichés et construits sociaux, les réduisant souvent à tort au rang de « sexe faible », inapte à occuper une fonction de leader. Il est pourtant fréquent d’observer au sein de ces mêmes partis, encore par réflexe social, une sollicitation massive des femmes pour assumer les tâches d’intendance, en arborant leurs couleurs pour gérer des animations folkloriques, lors d’événements publics (meetings, marches,…). Lorsqu’il arrive qu’elles soient cooptées pour intégrer les listes de candidatures, elles sont, au travers d’une pratique insidieuse, positionnées dans des circonscriptions non acquises au parti. La rhétorique alors avancée au sein de ces derniers pour justifier la sous-représentativité des femmes, s’articule de façon quasi-automatique autour d’arguments fallacieux et désuets qui ne résistent plus aux caractéristiques de notre temps et de notre pays, à savoir : « les femmes ne s’engagent pas en politique » ou, « il y a peu de femmes compétentes ». Cela s’éloigne de la réalité et l’usage de tels arguments dénote au regard des évidences contemporaines chiffrées et perceptibles, d’une volonté manifeste de freiner et de combattre les tendances structurantes de notre démocratie, telles que renouvelées et affirmées par la Constitution du 06 Novembre 2015. La loi fondamentale est claire, tout comme les textes qui régissent les fonctions électorales… Il est juste dans ce cadre, de s’interroger sur la sincérité des partis politiques qui se lancent à la conquête des sièges parlementaires, en vue de voter de nouvelles lois, si ces mêmes partis ne se montrent pas capables d’appliquer les textes existants votés par lesdits parlementaires issus de leurs rangs ?

Convenons ensemble que le respect des textes imposant la représentativité des femmes aux fonctions électives, se présente comme un excellent gage des partis politiques, à se conformer à la rigueur et à l’éthique que suggère le travail parlementaire.

Les femmes congolaises ont également une responsabilité fondamentale, celle de se manifester à l’occasion de ces élections pour que leurs droits soient respectés. Il leur revient de prendre l’initiative d’exprimer leur volonté afin que notre Parlement dans ses deux chambres, soit davantage représentatif de la structure démographique de la population congolaise (52% de femmes et 48% d’hommes).

Nous, femmes congolaises, devons être conséquentes dans nos engagements car dans quelques jours, nous aurons la possibilité d’impacter le quotidien d’autres femmes, ainsi que l’avenir de nos filles et de nos fils. Cette possibilité ne se présente qu’une fois tous les cinq (5) ans et s’y soustraire serait manquer une opportunité formidable d’enclencher ce cercle vertueux de motivation qui pousserait d’autres femmes à s’engager dans la transformation de notre pays. La promotion des femmes à des fonctions politiques constitue en effet, une source d’inspiration pour d’autres jeunes filles, en quête de modèles pour déterminer leur amorce.

Ce n’est qu’au prix de cette implication, que la marche vers la parité au Congo, cessera d’appartenir aux simples écrits, pour devenir enfin cette réalité sociale palpable susceptible de nous conduire vers une démocratie plus forte, enrichie d’une nouvelle dynamique structurelle et capable de répondre aux défis du développement inclusif.

Danièle SASSOU NGUESSO
Présidente de la Fondation Sounga

www. fondationsounga.org