Il y a deux ans, entourée d’une formidable équipe, je créais la Fondation Sounga pour l’autonomisation économique et la défense des droits des femmes. Deux ans déjà que cette Fondation existe en dépit de certaines critiques ; outre les rares soutiens. Les critiques les plus bienveillantes stigmatisaient « une organisation féministe de plus », voire de trop ! Tandis que les plus acerbes souhaitaient la fin d’une « organisation qui voulait inculquer aux « dociles » femmes congolaises les ferments de la colère importés d’Occident ». Le plus curieux, c’est que les auteurs de telles saillies se recrutent (encore !) aussi bien chez certains hommes rentiers de l’asymétrie de genre, que chez des femmes justifiant par toutes sortes de raisons cultuelles une domination des hommes dans nos sociétés.
Depuis deux ans, de nombreux kilomètres ont été parcourus à travers notre cher et beau pays, le Congo Brazzaville, pour mesurer la place résiduelle concédée à la femme aussi bien dans l’espace privé que dans l’espace public, dans nos villes et dans nos campagnes. En la matière, la femme congolaise n’est pas une exception. Bien au contraire, sa condition est partagée par un grand nombre de femmes en Afrique et dans le monde, certes à des échelles différentes en fonction des pays. Nous sommes donc allés à la rencontre de toutes ces femmes dont le sort est scellé dès la naissance parce qu’elles sont femmes en Afrique. Il est toujours très inspirant de rencontrer celles qui évoquent cette infériorité dans laquelle elles sont confinées.
Le plus intéressant, à ce jour, a sans doute été l’ensemble des réalisations que nous avons conduites au Congo. Je pense à l’incubateur d’entrepreneuriat féminin « Sounga Nga », le premier du genre en République du Congo, grâce auquel il a été possible de former et de coacher des femmes, ainsi que de proposer une solution pour le financement de leur projet d’entreprise. Je retiendrais bien sûr également le Label genre ; un projet qui a beaucoup séduit à l’international, notamment lors de la 9ème conférence annuelle des femmes du Parlement Panafricain organisé par l’Union africaine à Sharm El Sheikh en octobre 2016. Ce label, qui sera attribué aux entreprises qui favorisent l’insertion professionnelle des femmes, constitue une solution non-coercitive afin de réduire les discriminations dont sont victimes les femmes dans les milieux professionnels. Pour établir un état des lieux précis, nous nous appuyons sur une étude de la condition des femmes au niveau national, que nous menons chaque année depuis deux ans ; ce projet s’appelle le « Focus Group Sounga ».
Au-delà de ces actions collectives, ces deux années m’ont permis de mettre par écrit quelques idées de politiques publiques à conduire pour améliorer la situation de la femme congolaise. Cela a fait l’objet d’un livre blanc d’une part, et d’autre part cela a permis de montrer, dans un livre sur le thème genre et développement, les atouts que recèle la parité homme-femme pour le développement du pays.
Deux ans et déjà tant de réalisations ! Mais de nombreux défis à relever demeurent. L’espoir est intact, et les batailles menées et réussies jusqu’ici sont une source de motivation pour ne pas s’arrêter en si bon chemin. Plusieurs siècles d’infériorité effective vécue par les femmes ne s’effacent pas en deux ans. Y mettre un terme demande certainement un peu plus que deux ans ! Notre volonté d’y parvenir ne trouvera de limite que dans la patience et la persévérance que cette longue marche nous impose.
Danièle Sassou Nguesso
Présidente de la Fondation Sounga